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26 oct. 2014

Comment stimuler l’innovation en Afrique ?



Dans une étude intitulée « Entrepreneurship matters : empirical evidence on innovation », Oasis Kodila Tedika, économiste à l’université de Kinshasa (République démocratique du Congo) et Pierre Garello, économiste à l’université d’Aix-Marseille (France), expliquent pourquoi entrepreneuriat et innovation sont indissociables. Selon eux, si l’Afrique accuse un retard en la matière c’est parce que les conditions permettant l’éclosion de l’esprit d’entreprendre ne sont pas encore réunies.

1) Pourquoi l’Afrique accuse-t-elle un tel retard en matière d’innovation ? Quels sont les freins principaux à l’entrepreneuriat sur le continent ?

Oasis Kodila-Tedika : D’après la conclusion d’une étude récemment réalisée avec mon confrère Pierre Garello, le retard africain s’expliquerait par beaucoup de choses. Nous avons établi en effet une relation positive et statistiquement significative entre l’entrepreneuriat et l’innovation. Ne pas disposer d’entrepreneurs rime avec inexistence de l’innovation. Cette étude met aussi en avant le fait que l’intelligence et l’environnement institutionnel formel sont indispensables pour créer les conditions favorables à l’éclosion de l’innovation.

D’après nos conclusions, l’innovation est faible en Afrique, non parce que les personnes capables d’innover n’existent pas, mais plutôt parce que l’on ne permet pas à l’esprit d’entreprise d’éclore. En effet, les « institutions du marché » favorisent cet esprit d’entrepreneuriat parce qu’elles instituent une certitude sur la règle, bannissent l’incertitude sur le droit de propriété, réduisent les coûts de transaction et accroissent la « vigilance au profit ». Autant de facteurs indispensables à l’expansion de l’entrepreneuriat. Or, l’Afrique, d’une manière générale, ne se distingue pas positivement sur ce terrain, en dépit des relatifs changements encourageants enregistrés ces dernières années.

Selon le classement de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), en matière d’environnement institutionnel (composante de l’indicateur se basant sur la qualité de la réglementation, la stabilité politique et le climat des affaires), le pays africain qui a la note la plus élevée est l’Ile Maurice qui obtient la note de 78,8 sur 100 et occupe la 24ème position sur 141. Mais dans le top 50, l’Afrique ne recense que cinq pays : l’Ile Maurice, Botswana (31ème), l’Afrique du Sud (39ème), la Tunisie (49ème) et la Namibie (50ème). De plus, le dernier quartile des pays mal classés est essentiellement africain. Il n’est pas étonnant que « l’esprit d’entreprise» ne soit donc pas totalement au rendez-vous.

Si d’une part, l’esprit d’entreprise est le propulseur de l’innovation, il faut, d’autre part, un environnement institutionnel adéquat et des capacités humaines ad hoc. Pour l’environnement institutionnel, on est en présence d’un cercle vertueux en ce sens qu’il permet l’éclosion de l’esprit d’entreprise et qu’en même temps il génère l’innovation qui crée les nouvelles opportunités pour l’esprit d’entreprise. Les produits Apple de Steve Jobs ont par exemple pu être des innovations qui ont poussé leur créateur (et d’autres) à vouloir les utiliser comme tremplin pour d’autres innovations. Mais cela n’a été possible que parce que l’environnement institutionnel américain garantissait le droit de propriété. C’est malheureusement le contraire en Afrique où la recherche des rentes dissuasives (corruption généralisée, etc.) pose de sérieux problèmes aux investisseurs et entrepreneurs.

Enfin, il y a le rôle de l’intelligence car il faut une dose d’intelligence pour créer. Si d’une part l’intelligence est l’œuvre de la génétique, elle n’en est pas moins aussi l’œuvre de l’environnement comme le reconnaissent unanimement maintenant les psychologues. Or, l’Afrique ne propose toujours pas le meilleur environnement pour l’expansion de « l’intelligence ». Selon la composante de l’indicateur OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle) mesurant le capital humain et la recherche, la Tunisie est le pays africain ayant la note la plus élevée (38/100) mais elle n’occupe pourtant que la 60ème position sur 141…

Par ailleurs, l'une des qualités des institutions est d'encourager l'esprit d'entreprise ou de faire en sorte que l'esprit d'entreprise soit tourné vers des activités marchandes plutôt que vers des activités politiques ou de survie. C'est là un point qui n'est pas suffisamment souligné et que notre étude met en exergue. Notre étude empirique rappelle de plus que l'entrepreneuriat est fortement lié au développement.

2) Comment développer l’entrepreneuriat en Afrique ? Comment changer l’environnement institutionnel ?

Oasis Kodila-Tedika : Développer l’entrepreneuriat revient à jouer entre autres sur les variables qui l’expliquent. Nous avons présenté une liste, si l’on peut dire, d’un certain nombre de choses mais je tiens à préciser que le chemin n’est pas aussi mécanique que l’on se l’imagine souvent.

Quant au changement de l’environnement institutionnel, la question est posée. Il est vrai que l’on a aujourd’hui une somme de connaissances assez importante, mais elle reste insuffisante pour expliquer d’une manière aussi générale comment changer l’environnement institutionnel de l’Afrique. Autrement dit, quand on propose une réforme institutionnelle, il est d’abord utile de diagnostiquer l’économie en question. L’Afrique est une somme des spécificités trop évidentes pour s’hasarder à proposer une thérapie identique à appliquer partout.
la suite... sur: worldbank.org


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